La chenille processionnaire du pin (thaumetopoea pityocampa) est un insecte responsable d’envenimations chez nos carnivores domestiques.
Elle se rencontre dans les régions au climat favorable à leur développement (Côte méditerranéenne, Corse, Côte Atlantique…) et riches en épineux. Les larves se nourrissent en effet des aiguilles de diverses sortes de pins.
Le chien est plus concerné par ces envenimations car il est moins méfiant que le chat et place toutes sortes d’objets dans sa gueule.

L’envenimation se produit essentiellement à la fin de l’hiver et au début du printemps. Les chenilles descendent alors des pins et se déplacent au sol en file indienne avant de s’enterrer pour confectionner un cocon et se transformer en chrysalide.

Le chien entre en contact avec la toxine :
– soit directement : le chien lèche une chenille et brise ainsi les poils urticants qu’elle porte sur le dos.
– soit indirectement : par contact avec un nid tombé au sol ou par simple inhalation de poils transportés dans les airs lors de grands vents.

Symptômes


Lésions locales

Lésions oculaires : lors de contact entre les poils urticants et les yeux, une conjonctivite ou des ulcères de cornée peuvent apparaître. Un examen ophtalmologique doit donc être pratiqué face à toute suspicion d’envenimation par les chenilles processionnaires.

Lésions cutanées : la thaumatopoéine peut provoquer l’apparition d’importantes lésions de la peau, en particulier sur le pourtour des lèvres et sur toutes les zones où la peau est fine.

Lésions buccales et digestives : quelques minutes à quelques heures après un contact entre une chenille et la bouche de l’animal, une très importante inflammation apparaît. Le chien souffre de démangeaisons, il n’arrive plus à déglutir et se met à saliver énormément. Sa face enfle ainsi que sa langue qui bleuit progressivement. Des ulcères peuvent ensuite se creuser. Quelques jours après l’envenimation, la mort de la partie de la langue ayant été en contact avec les poils urticants peut se produire : la zone concernée va noircir puis se détacher de la partie saine. Ces lésions sont d’autant plus marquées que la zone de contact entre les poils urticants et  les muqueuses aura été importante. Si des chenilles ont été avalées, l’inflammation va également concerner l’oesophage et l’estomac de l’animal. Des vomissements pourront alors survenir.

Troubles généraux

A ces symptômes locaux peuvent s’ajouter des troubles généraux liés à une action directe de la thaumatopoéine sur les grandes fonctions de l’organisme ou découlant des lésions locales.

  • L’animal est très souvent fiévreux (hyperthermie à 40°)
  • L’oedème de la langue et du fond de gorge peut entraîner une grave détresse respiratoire.
  • Des troubles de la coagulation sont parfois notés avec apparition d’un très gros risque hémorragique.
  • L’envenimation peut provoquer une insuffisance rénale
  • Enfin, un choc allergique peut se produire ainsi que des convulsions ou un coma.

Les diverses complications associées à l’envenimation pourront conduire au décès de l’animal.

Le pronostic vital de l’animal dépend de deux facteurs:

La rapidité d’intervention après l’envenimation pour lutter contre les répercussions générales : oxygénation en cas de détresse respiratoire, lutte contre l’insuffisance rénale, traitement des troubles de la coagulation…

La sévérité des lésions locales (qui ne peut être évaluée qu’après quelques jours). En effet, en cas de contact important avec la toxine, certains animaux perdent une grande partie de leur langue, ce qui rend toute prise alimentaire très difficile.

Traitement


Comme nous venons de l’évoquer, la rapidité d’intervention et de mise en place d’un traitement va jouer un grand rôle quant au pronostic.

Si vous suspectez votre animal d’avoir touché des chenilles processionnaires, mieux vaut ne pas le manipuler : les poils urticants des chenilles processionnaires se comportent comme de minuscules harpons qui se plantent dans les muqueuses. Tout frottement va augmenter la libération de thaumatopoéine, aggravant les symptômes. Il convient, par ailleurs, d’éviter tout contact de votre peau avec les poils urticants car la toxine engendre également des lésions cutanées chez l’homme.

Il faut vous rendre le plus rapidement possible chez votre vétérinaire où divers soins seront effectués en fonction des symptômes.

  • L’urgence est l’oxygénation de l’animal en cas d’oedème de la gorge pour éviter l’étouffement.
  • Le vétérinaire va ensuite rincer la gueule du chien avec une solution adaptée pour éliminer sans les casser un maximum de poils urticants et la toxine qu’ils contiennent (limitant ainsi les lésions locales et les répercussions générales en réduisant le passage de la toxine dans le sang).
  • Une injection de cortisone rapide est pratiquée par le vétérinaire pour lutter contre l’oedème et l’inflammation.
  • Un traitement adapté est mis en place pour traiter d’éventuels  troubles rénaux ou hémorragiques.
  • L’administration d’antiacide et de pansements gastro-intestinaux permet de limiter les troubles digestifs associés à l’ingestion d’une chenille.
  • Si l’animal est incapable de s’alimenter après un long moment (du fait d’une gêne mécanique liée à l’oedème de la langue ou d’une douleur très importante…), le vétérinaire peut, s’il le juge nécessaire, décider de mettre en place une sonde de réalimentation.

Prévention


La prévention contre tout contact avec les chenilles processionnaires du pin est primordiale car il n’existe pas “d’antitoxine” active contre la thaumatopoéine.

De plus, les humains sont eux aussi sensibles à l’envenimation. Le contact avec la toxine s’effectue :

  • soit directement (inhalation  des poils, ingestion d’une chenille par un enfant),
  • soit indirectement (contact avec des restes d’épines urticantes lors de soins apportés à un chien touché).

Des démangeaisons et des plaques comme lors de piqûres d’orties apparaissent alors au niveau des zones de contact avec les poils urticants (les mains le plus souvent). Des chocs allergiques ont également été décrits chez l’homme.

La prévention de l’envenimation s’effectue à plusieurs niveaux :

Par la destruction des oeufs: Durant l’été, les aiguilles porteuses de manchons d’oeufs peuvent être éliminées.

Par la destruction des larves : Dans les zones concernées, la municipalité réalise généralement un traitement annuel pour limiter la progression de ces papillons.

Les cocons peuvent également être collectés et incinérés (dans ce cas, le port d’une tenue de protection (gants, lunettes) est indispensable pour limiter les risques d’irritation par les poils urticants)

Enfin, au début du printemps, les chenilles peuvent être piégées sur les troncs à l’aide de glu avant qu’elles ne descendent au sol et les processions de chenilles repérées au sol être détruites (toujours avec port d’une tenue de protection) mais ces dernières méthodes sont beaucoup plus fastidieuses et aléatoires.

Par le respect de certaines précautions : Dans les zones à risque (terrains riches en résineux), durant le printemps, période critique,  la vigilance doit être accrue et les promenades des animaux doivent se faire uniquement en laisse pour éviter tout contact avec des chenilles ou les restes des mues.

Quelques idées innovantes

Les nichoirs à mésange  : La mésange est un important prédateur de la processionnaire du pin. Les chercheurs de l’Inra tentent d’utiliser d’autres espèces végétales ou animales pour minimiser l’impact de la processionnaire. L’une de ces méthodes consiste à poser, en ville ou en forêt, des nichoirs à mésanges. Ces gracieux oiseaux insectivores peuvent en une seule journée dévorer une quarantaine de chenilles, prélevées directement dans l’abri de soie. Cette méthode est actuellement à l’étude dans quatre sites expérimentaux de l’Inra.

Une haie de feuillus à la lisière d’une forêt de pins peut protéger cette dernière des attaques de la processionnaire. En effet, les chercheurs ont remarqué que certaines essences, en particulier le bouleau, ont la faculté de cacher la vue des pins pour les processionnaires, voire de les éloigner grâce à des odeurs répulsives. Cette méthode innovante est actuellement testée par les chercheurs de l’unité Biodiversité, gènes et communautés de l’Inra de Bordeaux-Aquitaine.

Malgré la mise en place de ces différents moyens de lutte, l’élimination totale des chenilles reste très difficile du fait de la mobilité des papillons capables de se déplacer sur des kilomètres avant de pondre et la possibilité de survie souterraine des formes enterrées pendant plusieurs années.

Les envenimations par les chenilles processionnaires sont relativement fréquentes. Il convient donc, dans les zones concernées, d’être, à la fin de l’hiver et au début du printemps, particulièrement vigilant  lors de promenades à proximité de résineux ou de balades dans des forêts de pins.

Si vous suspectez que votre animal ait pu être en contact avec des chenilles processionnaires, consultez immédiatement votre vétérinaire pour qu’il puisse limiter au plus vite les effets de l’envenimation.

Avec l’aimable autorisation des docteurs Mimouni et Lévy – Clinique vétérinaire “les Poumadères” – Centre de Reproduction des Carnivores du Sud-Ouest (CRECS)

Photos : Lamiot [CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)] / JPS68 [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)]