Trente chiens ont été examinés, ce nombre situant le Club dans la moyenne de ce qui se fait lors d’Expositions Nationales d’Élevage de races à effectifs comparables.

Un schéma de globe oculaire de chien aidera à vous orienter dans les commentaires qui suivent (Figure 1).

1 – Anatomie du globe oculaire (d’après G. Severin). Les parties limitées en rouge sont celles qui nécessiteraient l’emploi d’une lentille spécifique si on décidait de rechercher une prédisposition au glaucome (voir fin du compte-rendu de la session d’examens oculaires).

Les variétés suivantes ont été présentées, par ordre d’importance numérique décroissante :

  • standard à poil dur (10 femelles et 7 mâles),
  • standard à poil long (5 femelles et 1 mâle),
  • nain à poil dur (1 femelle et 2 mâles),
  • kaninchen à poil dur (3 femelles),
  • standard à poil ras (1 mâle).

On peut dire sans ambiguïté que cela correspond grossièrement à la proportion des différentes variétés de la race telle que représentées dans l’effectif moyen de Teckels qu’examine en routine un vétérinaire praticien.

Les certificats ont été complétés en fonction des indications portées dans les Guidelines de l’European College of Veterinary Opthalmologists (ECVO), leur rédaction a été détaillée dans la partie « remarques » afin que tout soit compréhensible et clair pour les propriétaires, à qui les particularités oculaires de chaque chien avaient été expliquées durant et après l’examen.

Ainsi, des formes mineures de persistance de la membrane pupillaire – fibres que l’on ne voit plus après la dilatation pupillaire effectuée pour examiner le cristallin et le fond d’œil, petites taches de pigment irien non visibles à l’œil nu sur la partie centrale de la face antérieure du cristallin – y sont mentionnées, bien que la conclusion de l’examen soit « indemne de persistance de membrane pupillaire » pour les sujets concernés : c’est la règle pour ces reliquats minimes.

Le « conus » (mince liseré hyper-réfléchissant autour de l’émergence du nerf optique au niveau du fond d’œil), physiologique chez un certain nombre de chiens, notamment de petites races par expérience, n’est mentionné que pour mémoire et ne peut être assimilé à une forme d’atrophie rétinienne (Figures 2 et 3).

2 – Teckel standard à poil dur âgé de 3 ans, fond d’œil normal (crédit photo : G. Chaudieu). Noter le liseré hyper-réfléchissant (flèches) autour de l’émergence du nerf optique (« conus»), qui est une image dénuée de signification pathologique rencontrée chez certains chiens. Le chien peut (doit) être utilisé en reproduction.

3 – Teckel standard à poil dur âgé de 2 ans, atrophie rétinienne progressive héréditaire précoce évoluée (crédit photo : G. Chaudieu). En comparant à la Figure 2, noter l’aspect hyper-réfléchissant généralisé de la partie supérieure du fond d’œil et la quasi-disparition des vaisseaux sanguins. Le chien doit être écarté de tout programme d’élevage.

La persistance de la membrane pupillaire*

Pour ce qui est de la persistance de la membrane pupillaire (Figures 4, 5, 6), beaucoup d’auteurs s’accordent sur le fait qu’elle est constatée dans la race, quelle que soit la variété. Elle l’est également dans d’autres races par ailleurs. Les Teckels ne font pas partie des races spécifiquement concernées par l’anomalie mais des formes majeures (avec opacités cornéennes ou cristalliniennes) y ont été parfois décrites.

On ne connaît pas le mode de transmission de ce défaut de résorption d’une structure embryonnaire, mais un mode polygénique est suspecté, et il est compatible avec la diversité des formes. La résorption de la membrane pupillaire est acquise dans un délai de l’ordre des 8 semaines suivant la naissance. Si des sujets gravement atteints doivent être écartés de l’élevage, des sujets atteints de formes mineures, et à plus forte raison ceux atteints de formes tellement minimes qu’ils sont déclarés indemnes de l’anomalie, peuvent être utilisés pour la reproduction : ces dernières représentaient 8 observations sur les 30 chiens examinés.

Comme l’examen au biomicroscope avant dilatation de la pupille met en évidence ce type de reliquats, ils sont intéressants à identifier, car on ne peut savoir par avance si un reproducteur atteint de forme mineure ne produira pas de sujets atteints de formes plus graves, qui peuvent gêner la vision. Un recueil de ces données par le Club de race est donc intéressant pour avoir une idée aussi exacte que possible de la fréquence de l’affection dans les différentes variétés (principe de précaution).

4 – Forme mineure de PMP chez un Teckel à poil dur, œil gauche (crédit photo : G. Chaudieu). La fibre résiduelle prend naissance sur la collerette irienne (tête de flèche) et se divise en dorme de V (flèches) dont les extrémités restent adhérentes à la surface irienne ; elle disparaît après la dilatation pupillaire mise en œuvre pour l’examen du cristallin et du fond d’œil. Le chien peut être utilisé en reproduction.

5 – Forme mineure de PMP chez un Teckel à poil long, œil gauche (crédit photo : G. Chaudieu). Des taches de pigment irien correspondant à l’attache de fibres qui se sont résorbées sont présentes sur la capsule antérieure du cristallin ; certaines sont visibles à l’œil nu (flèche grasse), d’autres ne sont visibles qu’au grossissement 10 du biomicroscope utilisé pour l’examen (flèche fine). Le chien peut être utilisé en reproduction.

6 – Forme grave de PMP chez un Teckel à poil dur, droit (crédit photo : G. Chaudieu). Les fibres résiduelles, nombreuses et larges, réalisent un réseau comparable à une toile d’araignée (flèche) et leurs adhérences sont responsables d’opacification/pigmentation cornéenne (flèche et tête de flèche) ainsi que de foyers d’opacification superficielle du cristallin (cercle). Le chien doit être écarté de tout programme d’élevage.

L’atrophie progressive héréditaire de la rétine

Pour ce qui est de l’atrophie progressive héréditaire de la rétine, qui était votre sujet d’inquiétude principal, aucune des formes observables dans les différentes variétés de la race – cécité diurne congénitale, cécité nocturne précoce (Figure 3) et surtout la forme la plus fréquente, plus tardive, avec cécité nocturne dès 4 à 6 ans d’âge puis cécité complète ensuite (Figure 7) – n’a été identifiée, ni même suspectée chez les 30 chiens examinés.

Sachant que la transmission de ces différentes maladies est récessive, qu’elles sont responsables de cécité chez les homozygotes mutés, l’examen oculaire systématique et régulier (annuel) des reproducteurs en activité est la précaution minimale.

7 – Teckel standard à poil dur âgé de 8 ans, atrophie rétinienne progressive héréditaire du type le plus fréquemment observé au stade terminal (crédit photo : G. Chaudieu). Des modifications semblables à celles de la Figure 3 sont présentes, encore plus marquées. Le chien doit être écarté de tout programme d’élevage.

Les cataractes* héréditaires

Pour ce qui est des cataractes héréditaires, elles sont décrites comme préférentiellement observées dans les variétés nain à poil dur et à poil ras, d’apparition précoce (vers l’âge d’un an et demi), postérieures polaires – c’est-à-dire localisées à la partie centrale postérieure du cristallin (Figure 8A) – et réputées peu ou non évolutives (risque de cécité lié à une cataracte complète faible, Figure 8B).

8 A – Forme typique de cataracte héréditaire chez un Teckel standard à poil dur âgé de 2 ans (crédit photo : G. Chaudieu). La localisation polaire postérieure et la forme triangulaire sont typiques ;

8 B – l’évolution vers l’opacification complète invalidante du cristallin (flèche) est peu fréquente mais possible (8B) comme le montre cette vue de profil latéral de l’œil gauche d’un sujet âgé de 3,5 ans. Les chiens doivent être écartés de tout programme d’élevage.

Atrophie du muscle sphincter de l’iris

Un cas d’atrophie du muscle sphincter de l’iris chez un sujet d’âge mûr (un peu plus de 8 ans), qui se traduisait par une dilatation pupillaire anormale (Figure 9), concomitant d’une sclérose du cristallin également liée à l’âge, a été identifié : ce n’est qu’une conséquence physiologique du vieillissement face auquel les individus ne sont pas égaux, et ce n’est pas une « maladie ».

9 – Atrophie du muscle sphincter de l’iris chez un sujet âgé (Teckel standard à poil dur de 12 ans) qui se traduit par une dilatation pupillaire constante, sans déficit visuel associé. Le chien a été utilisé en reproduction sans inconvénient (crédit photo : G. Chaudieu).

Kératite ponctuée

Il n’a pas été relevé de cas de kératite ponctuée (inflammation ulcérative de la cornée), observable chez de jeunes adultes, réputée familialement transmissible chez les Teckels, notamment dans les variétés à poil long standard (Figure 10) et kaninchen selon notre expérience, plus rare chez le Teckel à poil dur, et exceptionnelle chez le Teckel à poil ras.

10 – Kératite ulcéreuse ponctuée chez un Teckel standard à poil long âgé de 2,5 ans (crédit photo : G. Chaudieu). Noter les multiples foyers ulcéreux de la surface cornéenne, qui fixent le colorant utilisé pour confirmer le diagnostic (collyre fluorescéine). Le chien doit être écarté de tout programme d’élevage.

Le glaucome primaire

Dernier élément : le glaucome primaire (hypertension oculaire responsable de cécité) a été quelquefois signalé dans la race. La prédisposition à cette maladie fait appel à un examen optionnel (gonioscopie, qui permet d’évaluer l’aspect de la structure dont une malformation peut être responsable d’une prédisposition au glaucome qualifié de primaire) ; le plus souvent on l’effectue sur le chien vigile, mais quelquefois sous anesthésie générale si le chien n’est pas coopératif (une lentille spécialement adaptée doit être posée sur l’œil appliquée sur la surface cornéenne).

Aucune étude permettant de connaître la prévalence du phénotype prédisposant à ce glaucome réputé transmissible ne peut actuellement nous renseigner. Le Teckel, dans ses différentes variétés, n’est pas spécifiquement identifié comme race à risque où l’examen gonioscopique est recommandé. Notre expérience est que l’anatomie prédisposante existe dans la race, mais les cas de glaucome restent rares : de 1998 à 2015, nous avons pu suivre 67 sujets, la maladie n’apparaissant que chez des adultes d’âge mûr, alors que l’anomalie est congénitale, tous « standard » : 51 à poil dur, 13 à poil ras, 3 à poil long. Vingt-six (26) anomalies ont été décelées (chez 17 à poil dur, 6 à poil ras, et les 3 à poil long), responsables de glaucome sur un des deux yeux pour 5 des sujets à poil dur, soit 1 sujet déclarant la malade pour 26 pouvant être considérés comme prédisposés. Comme indiqué antérieurement, les études de référence sur le sujet font défaut.

Si le club le décide, l’examen gonioscopique optionnel pourrait être mis en œuvre lors d’une prochaine Exposition Nationale d’Élevage : les chiens examinés cette année s’étant tous montrés très coopératifs, il n’y pas de raison que les produits issus d’une telle sélection démentent cette première excellente impression. C’est à vous de décider.

Je reste à disposition des élus du Club, de vos délégués, et de ceux qui souhaiteraient des informations complémentaires.

Contribution : Gilles Chaudieu
Dr Vétérinaire, spécialiste en ophtalmologie, membre de la Commission scientifique de la SCC


* Quelques définitions

Persistance de la membrane pupillaire (PMP, PPM : persistent pupillary membrane) : éléments d’origine vasculaire présents dans la chambre antérieure consécutivement à un défaut de régression néo-natale des reliquats de la membrane pupillaire fœtale ; la régression doit se faire dans les 4 à 5 semaines qui suivent la naissance ; ces fibres, dont l’origine est à la collerette de l’iris, peuvent être fixées à un autre point de l’iris ou au cristallin, ou avoir une extrémité libre dans la chambre antérieure de l’œil ; les formes graves irido-cornéennes (opacités blanchâtres, parfois brunes et irido-cristalliniennes (opacités cristalliniennes denses) peuvent être responsables de déficit de vision . Des formes mineures isolées non invalidantes sont fréquentes : fibres libres, petites taches triangulaires/polygonales de pigment irien sur le cristallin.

Cataracte : opacité partielle ou complète du cristallin pouvant affecter un seul œil ou les deux yeux, responsable de cécité lorsqu’elle est complète. Certaines cataractes ont une transmission héréditaire connue. Celles qui sont diagnostiquées entre la naissance et 8 semaines sont qualifiées de congénitales.